Le Mythe et l'Histoire
Mosaïque - Eglise de Tréhorenteuc
L’Histoire m’est toujours apparue comme un mensonge délibéré, destiné à orienter, selon les circonstances et les idéologies au pouvoir, à mener les peuples dans une direction choisie par ceux qu’on persiste à appeler les «élites» et qui ne sont que les manipulateurs des sociétés. J’ai dit ailleurs (dans "Les Celtes et la civilisation celtique" et "La Tradition celtique"), que je considérais l’Histoire comme une matérialisation du mythe, ce mythe étant une structure mentale inhérente à l’humanité, mais qui, en tant que tel, équivaut au néant : la seule façon de prouver l’existence du mythe, c’est de le reconnaître dans sa matérialisation, dans son incarnation par des hommes et des femmes qui, au moment opportun, cristallisent les pulsions inconscientes de cette humanité à la recherche d’elle-même. Je n’ai pas changé d’opinion. Je l’ai seulement affinée et surtout, j’ai tenté de la rendre plus compréhensible, plus adaptée aux mutations que notre société universaliste et industrielle fait subir aux valeurs primitives trop longtemps considérées comme immuables, dogmatiques, et donc parfaitement stériles. L’Histoire suscite ses héros lorsqu’elle en ressent la nécessité. Mais, comme le Libre Arbitre est la seule richesse de l’être humain (même s’il n’existe que dans la proportion de un pour cent !), le héros, quel qu’il soit, influe sur le déroulement de l’Histoire. Les chemins qui montent sont aussi ceux qui descendent.
Cette digression sur le Mythe et l’Histoire n’est pas inutile, car elle permet de mesurer la distance qui sépare la plupart du temps l’événement historique qui a effectivement eu lieu, et le récit qui en est donné par la suite, quelle que soit l’objectivité, ou même la bonne volonté, de ceux qui se chargent d’animer ce récit. Le Mythe étant pure potentialité, il n’a d’existence reconnue que grâce au récit (épopée, conte, légende) qui le concrétise et le rend accessible à la compréhension des auditeurs ou des lecteurs. Mais il en est de même pour l’Histoire. Celle-ci, se trouvant de facto dans un Passé qui n’est plus mesurable que par souvenirs (mémoire, écrits, monuments divers), apparaît dans la même situation que le Mythe. Et pour la rendre concrète et vivante, compréhensible et accessible à tous, il convient de lui donner un corps, que ce corps soit de l’histoire événementielle ou de savants diagrammes codés faisant intervenir les notions les plus scientifiques. Mais c’est là où tout risque d’être faussé. Car quel crédit peut-on accorder aux témoignages de ce passé ? Même en s’entourant des meilleures garanties d’authenticité, on risque de s’égarer à travers des erreurs d’appréciation ou des faiblesses de sensibilité. L’objectivité pure n’est qu’un leurre, et de toute façon, le regard qu’on projette sur le passé se trouve dans la complète dépendance d’un regard actuel, chargé des motivations les plus diverses et des interprétations les plus abusives. Mythe et Histoire subissent donc un sort identique.
De Jean Markale (extrait de Rennes-Le-Château et l'énigme de l'or maudit)
La Table Ronde - Eglise de Tréhorenteuc
Les Romains ont historicisé les mythes et les Celtes mythifié l’histoire.
D’après Jean Markale, lors d’une conférence à Tréhorenteuc le 27 juillet 1999