Morgane
Hotié de Viviane, Brocéliande janvier 2002
Morgane errait sur les landes, ne sachant pas où elle allait, comme possédée par une fureur intérieure, mais trop fière pour exprimer sa rage par des pleurs qui lui auraient fait perdre, à ses propres yeux, toute la puissance et tout l’orgueil dont elle se sentait maîtresse. Enveloppée dans son long manteau noir, elle marchait à grands pas sur des sentiers tortueux ; ses pieds frôlaient à peine le sol, tel un de ces anges trop purs ou trop aériens pour pouvoir entrer en contact avec l’humidité de la terre. Le vent soufflait, venant de la mer, quelque part du côté du sud, et parfois il prenait Morgane dans ses rafales, l’obligeant à faire halte, le temps de reprendre haleine ; le tourbillon se vengeait en courbant les ajoncs griffus jusqu’à ses jambes pour mieux l’égratigner et pour lui faire comprendre que si elle suscitait les tempêtes, elle risquait parfois de ne plus pouvoir les apaiser.
Jean Markale, « La fée Morgane », « Le cycle du Graal – 4 », ed. Pygmalion, Paris, 1994